VANITÉ (2016)

Œuvre anti-excoordiste et anti-hypertemporelle appartenant au corpus Du meilleur au pire.

Techniques mixte..

 

Ci-dessus à gauche, l'œuvre Vanité, présentée pour la première fois

 le 12 juin 2016 au Loft Pelleport, dans le cadre de l'exposition "Prémices, Nouvelles interventions créatives". Ci-dessus à droite, un membre

du public en train de participer à la réalisation.

 

En activant « TOI », ou l’être humain qui se tient debout devant un support rond et coloré dont on ne peut saisir la portée de ses contenus, n’importe quelle personne peut découvrir, au début d’une conversation avec lui, que l’œuvre s’avère en chantier, vide, et qu’à eux deux, ils vont tenter de la (re)construire, tant dans ses composants (particules extendues ou non) que dans ses organisations (coordinations).

Néanmoins, respectivement assis sur des chaises qui leurs sont attribuées, ces deux collaborateurs vont peu à peu faire l’expérience de différents obstacles, comme des digressions dans le fond de leur échange, des désaccords sur le choix de tel élément au sein de la composition, ou encore l’incapacité de se remémorer avec exactitude ce qui a été dit ou décidé antérieurement.

Devenu le principal moyen pour que cette réalisation parvienne à une consistance respectable, le dialogue remettra en jeu chaque proposition  énoncée par les deux individus, notamment en les torturant, les délaissant, les critiquant, les reprenant, les falsifiant, puis en les oubliant, sans qu’une seule concrétisation ne soit effectuée.

Sous l’impulsion d’un « TOI » manipulateur qui désire flatter « MOI » (le participant) de toutes les façons possibles (du simple compliment oral à l’acte voluptueux) plutôt que de traiter oralement l’accomplissement, la discussion s’éloignera irrémédiablement de sa portée initiale, jusqu’à aboutir à des propos en disjonction totale avec la surface multicolore. Celle-ci, alors niée par ses potentiels auteurs, demeurera dans le secret, l’inconsistance et l’inachèvement. Elle est condamnée à n’être qu’un support décoratif, un simple stimulus visuel pour entamer un échange verbal et physique aussi bien inutile que destructif ; échange qui, en outre, entretiendra MOI dans un amour-propre improductif, détourné de l’acte créateur.

Ainsi, l’une des possibles interprétations de l’œuvre VANITÉ serait la mise en échec du public d’accéder à l’activité multiplicatrice, notamment à cause d’un « autre » qui le détourne en permanence d’un objectif novateur, mais aussi à cause d’un « soi-même » qui se complaît dans la satisfaction vaniteuse. Néanmoins, la réalisation n’affirme pas que TOI (l’autre) est fondamentalement nuisible, ou que MOI (soi-même) est essentiellement narcissique, mais que ces deux individualités peuvent s’entredétruire lorsqu’elles ne sont pas convenablement orientées vers la créativité. En faisant vivre l’échec à des amateurs qui ont été conviés puis détournés de la novation, elle montre que l’authentique créateur sait se positionner au-delà de la flatterie que le monde extérieur exerce sur lui en permanence, et au-delà de sa propre vanité qui, bien souvent, peut le mener à une inactivité totale.

En conséquence, même à partir d’un effort pourtant multiplicateur et paradisiaque, sinon en faveur de l’expansion de la Culture et de la diminution des souffrances de chacun, l’être qui ne respecte pas certaines exigences éthiques ou comportementales que nécessitent la création trouve aisément dans le compliment, la séduction et, pourquoi pas, le rapport sexuel, des raisons suffisantes pour se livrer à une régression de ses capacités créatives, ou pire, à une paresse absolue et réactionnaire.

En cela, par cette volonté similaire d’examiner et de critiquer l’attitude de l’être banal et productif face au comportement créateur, il est tout à fait possible de faire le rapprochement avec STÉRILITÉ, une autre réalisation anti-excoordiste du corpus "Du meilleur au pire". Dans ces deux propositions, le producteur devient le sujet d’une expérimentation pour tenter de le reconduire vers une voie davantage multiplicatrice. En un certain sens, au travers d’un cheminement qui se termine obligatoirement sur un échec ou une impossibilité, ces deux œuvres montrent l’attitude superficielle du producteur vis-à-vis de soi-même et des autres, ainsi que son rapport insuffisant avec la branche de l’Art.

 

Hugo BERNARD

Juin 2016